Quand on imagine un entraînement sportif, on envisage d’abord l’effort physique indispensable à la préparation de l’exploit. Or, il apparaît que la performance commence dans la perception qu’est capable d’en faire le sportif. La technique de la visualisation mentale est aujourd’hui une des méthodes devenues nécessaires à l’accomplissement des performances sportives. En est-il de même pour les hauts potentiels en entreprise ? C’est cette question qu’aborde cette newsletter qui nous entraîne sur la route de connaissances tout autant improbables que passionnantes.

 

La victoire dans la tête ? Une technique à l’efficacité avérée… et exponentielle

La force mentale d’un sportif ne s’arrête pas à celle de sa détermination, mais va bien au-delà grâce à son aptitude à utiliser son cerveau pour accroître ses capacités physiques. Les golfeurs ont été les premiers à recourir aux possibilités de cette maîtrise de la pensée qui permet au corps d’accompagner le mouvement de la façon la plus maîtrisée possible. Avant de jouer, ils visualisent la trajectoire de la balle, les gestes à accomplir, la concentration et le ressenti. "Avant chaque frappe, je vais dans la caméra qui se trouve dans ma tête", révèle d’ailleurs le champion Tiger Woods.

Les sciences humaines ont d’ailleurs mis en lumière l’impact de l’anticipation mentale sur la concrétisation de l’action des sportifs. Celui-ci s’appuie sur la réactivation consciente d’actions préalablement exécutées et stockées dans la mémoire. Grâce à ces études, il est très vite apparu déterminant pour les entraîneurs d’accompagner la préparation physique des champions par une préparation mentale intense dont les objectifs, au-delà de l’entraînement proprement dit, concernent dorénavant l’optimisation de la volonté, la gestion du stress, une estime de soi améliorée, le développement des facultés de concentration et d’adaptation et une positivité accrue pour accéder à l’exploit.

Autant de données à extrapoler dans d’autres champs, comme celui du management. L’obligation de résultat, les compétitions de plus en plus âpres, communes aux sportifs de haut niveau et aux responsables d’entreprise, les obligent à rechercher la performance au-delà des méthodes et des acquis traditionnels de leur maîtrise professionnelle. L’utilisation des ressources d’un travail sur le mental ouvre un champ de possibilités aujourd’hui reconnues, ainsi que le confirment les paroles de l’homme d’affaires Stephen Richards Covey que nous avons précédemment rapportées : "Toutes les choses sont créées deux fois : une première fois mentalement, puis une seconde fois physiquement. La clef de la créativité, c’est de commencer avec la fin à l’esprit, avec une vision et un modèle du résultat désiré."

 

La visualisation mentale pour renforcer la performance managériale comme sportive

À l’instar de ce qui se passe chez les sportifs, la répétition mentale de discours ou d’attitudes fait désormais partie des ressources à mobiliser chez les meneurs de talents pour une mise en pratique intégrée et proche de l’instinctif. Les effets de ce travail vont bien au-delà d’une maîtrise amplifiée de la gestuelle d’un sportif ou de la mise en action des compétences d’un manager. La visualisation mentale, en conduisant à l’intégration des caractéristiques sensorielles de l’action et du succès, active un discours intérieur positif. Elle permet ainsi, par le biais de phénomènes de résonnance au sein du cerveau, de concourir au développement d’une détermination optimiste, facteur d’activation de la motivation, elle-même vectrice de performance sur un stade ou dans l’entreprise.

Ce travail personnel concourt à développer des compétences individuelles dont l’influence sur la réussite est évidente. Il joue en premier lieu un rôle important dans le processus de développement d’une forte capacité de résilience permettant de gérer et de surpasser les moments de doute, les échecs et les situations de crise inhérentes à la vie d’un sportif de haut niveau ou d’un responsable dans une entreprise.

Anticiper une stratégie, une confrontation, un challenge fait partie du schéma classique de préparation d’un projet et oblige tout leader, qu’il soit sportif ou manager, à imaginer un certain nombre de scénarios. Les techniques courantes d’anticipation reposent sur la base d’indicateurs souvent conventionnels qui, même s’ils permettent une analyse assez pointue des menaces ou des opportunités, ne prémunissent pas contre l’inattendu. Et affronter l’imprévisible nécessite rigueur, calme et confiance en soi…
La préparation mentale intervient alors dans la gestion du stress, cause principale d’interactions négatives avec la performance, pour le sportif comme pour le manager. Pour aucun des deux, il ne s’agit de l’éliminer, car il contient les ingrédients d’une stimulation et d’un dépassement en recouvrant le syndrome d’adaptation qui permet d’activer les réactions de défense face à une situation perturbante. Il est en revanche nécessaire d’apprendre à le gérer. La préparation mentale, et plus particulièrement la visualisation mentale positive, apporte des clefs pour ne pas subir les effets de l’anxiété liée à la pression et parvenir à maîtriser les comportements contre-productifs face aux évènements.

De plus, si l’importance d’avoir une confiance en soi suffisante pour affronter les épreuves, optimiser ses atouts et mobiliser l’énergie est évidente, la conserver et la développer dans le contexte anxiogène de défis sans cesse renouvelés n’est pas toujours facile. Partant du principe que les modifications psychologiques peuvent devenir des freins à la performance, en activant des ressources cérébrales de projection dans la réussite et en fluidifiant les pensées parasites invalidantes, la visualisation mentale positive renforce jour après jour la conviction d’une capacité à surmonter les obstacles et les difficultés autant qu’elle développe le potentiel nécessaire à la concrétisation des objectifs.

 

Des impacts subséquents sur la relation aux collaborateurs et l’éthique entrepreneuriale

Des travaux en neuroscience ont porté sur la partie du cortex abritant les connexions mentales qui joueraient un rôle actif dans l’intégration des caractéristiques sensorielles de l’action. Ils ont fait apparaître la possibilité que, parmi les fonctions dévolues à ce qu’on appelle "des neurones miroirs", se rencontrent la compréhension de la démarche et des actions et intentions d’autrui, la capacité à ressentir de l’empathie et la facilité d’apprentissage. Le travail de stimulation mentale pour performer concourt ainsi au développement de l’intelligence émotionnelle, compétence clef d’un leadership éclairé, stimulant et à l’efficacité décuplée. Ainsi, le travail de projection mentale, lorsqu’il est intégré et pratiqué par un dirigeant comme il l’est par tout athlète, produit un effet manifeste de résonnance sur les collaborateurs.

Un autre des corollaires de cette pratique, et non des moindres, est qu’elle permet un ancrage très fort du capital déontologique de l’entreprise. En effet, le principe de la visualisation mentale d’une action repose sur la perception des émotions et des sensations dans le contexte envisagé. Ce travail intime permet d’analyser ses réactions et de comprendre son fonctionnement. En associant les émotions et les anticipations, cette projection psychique va formater des attitudes et des prises de décision en cohérence avec ses valeurs et, de ce fait, renforcer la charge éthique de l’action à mener.

La visualisation positive d’un comportement ou d’une action peut donc non seulement permettre au manager d’optimiser sa motivation et sa confiance en lui, de stimuler sa capacité d’adaptation aux évènements, de développer des stratégies gagnantes, mais, surtout, par effet Pygmalion, d’entraîner ses équipes dans une logique positive de dépassement de soi et d’adhésion aux valeurs de l’entreprise.

Cette pratique n’apparaît donc pas comme une simple projection intellectuelle permettant la visualisation d’une performance attendue. Elle ne fait pas un surhomme de celui qui mentalise sa réussite, qu’il soit sportif ou manager, mais elle apporte le positivisme nécessaire à un état d’esprit conquérant. En ouvrant la voie à une mise en action des ressources du manager, elle induit des stimuli à l’ensemble de l’entreprise et permet, par effet rebond, de fédérer les énergies autour des projets comme des épreuves, de relever les challenges et d’insuffler un souffle d’audace précurseur d’exploits. Ceux-ci ont d’autant plus de chance de devenir réalité que le performeur, en plus de savoir se recentrer, montre une bonne capacité d’analyse du contexte et une vision des situations. C’est ce que nous aborderons dans notre prochaine newsletter.